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dimanche 3 janvier 2010

Le pays du sourire (opéra comique)‏

article du CSPCL, Comité de Soutien aux Peuples du Chiapas en Lutte.

De : gilles




Le pays du sourire (opéra comique)


Bonjour et bonne année, Voila ce que m'a raconté un copain, paysan dans la jungle du Chiapas,confronté à une grave maladie de sa femme, et ayant donc pris la décisionde s'exiler un an pour trouver la thune qui permettrait de la soigner.
Il faut d'abord prendre un bus de Las Margaritas (Chiapas) jusqu'à ElAltar (Sonora).Voyage de 2 500 km, dans un bus gavé de candidats migrants et doncrackettés par tous les flics du chemin... À El Altar commence un désert......et une marche de sept jours et sept nuits.
On marche en file indienne sans faire de bruits. Inutile de dire que lespieds gonflent, la langue aussi car l'eau manque dès le troisième jour.
Unique distraction : observer les traces des quads de la Border Patrol qui, comme son nom l'indique, croise dans le désert pour attraper lesmigrants. Les nuits ne sont pas trop froides, par contre mon copain n a pas eu lachance qu'il pleuve. Donc, quatre jours sans boire, dans des bottesdéchirées accompagnés des plaintes de ceux ou celles qui craquent...
Événement : au cinquième jour, arrivée de la Border Patrol ! Tout le mondes'enfuit en se dispersant et ce jour-la, ils n'ont chopé qu'une personne.Imaginez la galère pour se retrouver les uns les autres et continuer laroute... Sixième jour : un abreuvoir pourri, pollué, pour le bétail. La fête !
Sixième jour encore : devoir ramper à proximité des flics gringos quin'ont rien vu (que de la chance, je vous dis !) Septième jour, Phœnix (Arizona) en vue ! Ça signifie que les flics, les détrousseurs du désert et la mort de soifont été évités. Mais c'est pas fini. Tout le monde rentre dans un camion (30 personnes) pour être aussitôtrecouverts de PVC, de bois, puis de légumes. 600 kilomètres à parcourir entassés, sans air, tête bêche (c'est-à-direque tu as les pieds de ton voisin dans ta tronche et que tu lui rends lapareille) après sept jours de désert. Chance du pote : il n'était ni près du moteur, ni du pot d'échappement.Ceci dit, ce voyage est son pire souvenir.
Arrivée à Lamont (Californie) et on peut enfin manger, boire, se doucher. Demain, on commencera ce pourquoi on est venu, c est-à-dire au choix, soitemballer des carottes ou des ordis pour 8 dollars de l'heure 10 heures parjour, soit travailler aux champs (pêches, tomates, poires, raisins, etc.)pour 7 dollars de l'heure, soit être maçon, soit un peu de tout ça à la fois. Car il faut rembourser avant tout les 15 000 pesos du voyage.La conversion en euro (on divise par 18) ne vous donnerait pas une bonneidée de ce que ça représente comme pognon pour un paysan mexicain.
On logera dans une piaule coûtant 1 000 dollars environ mais à cinq ouhuit pour économiser.

Toutefois, si on arrive à :
- ne pas mourir sur un chantier
- ou de froid, un soir de picole
- ne pas se faire buter par des flics ou des racistes (comme ça arrivesouvent à Houston, Texas)
- ne pas se faire alpaguer et déporter (si possible en short et sandales)par la police de migration
- ne pas devenir dingue
- ne pas se trouver une bonne raison de rester là-bas

Alors, on pourra rentrer au bled, en avion s'il vous plait,(frontière-Mexico, Mexico-Tuxtla Gutierrez) avec un objet bien cher etbien absurde (télé numérique là où il n'y a ni transmissions, ni câble, ni Internet – je le jure, je l'ai vu ! – , synthétiseur Korg qu'on a pris pour un orgue, machine à laver dernier cri là où il n'existe aucune conduite d'eau, etc.) manière de prouver qu'on n'a pas fait tout ce chemin pour rien..
Ah oui, vu la crise économique, il y a de moins en moins de taf aux États-Unis. Remarquez qu'il existera toujours des boulots pourris pour ceux qui ne font que passer...
Je précise que les gars n'ont pas appris l'Anglais sur place. Pour quoifaire ? Ils ne vivent et ne bossent qu'entre latinos et les contremaitresou les flics parlent tous Espagnol.

Allez...Bonne année encore à toutes et tous.

Jules.

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