Nombre total de pages vues

dimanche 27 février 2011

[cspcl] Année du Mexique : pendant le show, la guerre continue‏

Jamais on avait autant parlé du Mexique...

Journalistes, spécialistes, ignorants, politiques, touristes, justiciers,anthropologues, organisateurs de manifestations culturelles, analystes,indignés, zopilotes de tous bords, se répandent, en vagues dégoulinantes,de blogs en manchettes, de buvettes en micros... Tous et toutes veulentsavoir, ou savent déjà. Mais bien peu d'entre eux s'intéressent à laguerre mexicaine. La guerre, quelle guerre ?

Début janvier, 60 tueurs masqués, lourdement armés, ont fait irruptiondans une petite communauté indigène tepehuana du Durango (la région natalede Pancho Villa), Tierras Coloradas [1]. Les habitants, avertis del'attaque, ont juste eu le temps de se réfugier dans la montagne, tandisque les membres du commando incendiaient une quarantaine de maisons,l'école et plus de vingt véhicules... Quelques jours auparavant, lesTepehuanos avaient mis en fuite plusieurs de ces tueurs, qui venaientd'assassiner deux habitants du village.

Selon le maire de la ville voisine d'El Mezquital, le mieux seraitmaintenant que les Tepehuanos émigrent vers l'État voisin du Nayarit..
.
De tels événements sont fréquents au Mexique. Après la destruction, àl'automne, du village triqui de San Juan Copala, et de multiples autresagressions, paramilitaires ou policières, contre des communautés del'Oaxaca, après les meurtres perpétrés à Santa María Ostula, Michoacan,contre les comuneros nahuas en lutte pour la récupération de leurs terres,les nombreux meurtres perpétrés dans le Guerrero, les Huastecas [2], lesmontagnes des Huicholes ou celles des Tarahumara, ces faits démontrentqu'avec les communautés mayas et zoques zapatistes du Chiapas, c'est touteune culture, un mode d'occupation des territoires qui sont l'enjeu de laguerre actuelle.

Lors de sa dernière réunion, à Mezcala [3], les 110 délégués représentant44 peuples, tribus et nations indigènes ont fait état de ces choses-là,avec des paroles qu'aucun « leader », aucun parti politique de nos pays nesont capables d'employer. Ou même de comprendre.

L'excellent texte d'Alessi Dell'Umbria [4] l'analyse en profondeur : lestueurs du narco, associés ou non aux « forces de l'ordre » militaires etpolicières, préparent le terrain pour une reconversion des campagnes. Unchamboulement général, qui intéresse au plus haut degré les entreprisesmultinationales, nord-américaines comme européennes. Car les ressourcesagricoles, biologiques, minérales et énergétiques du pays sont à prendre.Et les industries de l'armement, notamment françaises, sont sur les rangs,bien placées, pour vendre les moyens d'écraser l'opiniâtre résistance despopulations rurales et urbaines.

L'année du Mexique en France avait pour objectif de nous raconter que cepays est superbe, et regorge de richesses artistiques et archéologiquesfabuleuses - ce qui est vrai. Et que l'on peut y passer ses vacances - àcondition de ne pas trop regarder ce qui s'y passe.

Ces 350 manifestations, financées par les groupes Safran, Schneider etquelques banquiers (il faut bien utiliser une petite partie des énormesbénéfices de l'année boursière) avaient pour but principal de cacher lasale guerre. L'affaire Cassez semble avoir pris le relai de ladésinformation.

Mais ça et là, quelques groupes de Mexicains et de Français se prennent àrêver : et si nous organisions, sans l'argent des grands de ce monde,notre petite année du Mexique à nous ?

20 février 2011Jean-Pierre Petit-Gras.


[1]http://www.jornada.unam.mx/2011/01/13/index.php?section=politica&article=009n1pol [2] Région orientale du Mexique, siège d'une culture de plus de 4000 ans. [3]http://cocomagnanville.over-blog.com/article-pleniere-du-cni-region-centre-pacifique-67156629-comments.html [4] La paranoïa et la terreur comme paradigmes de gouvernement. Voir surle site du CSPCL (http://cspcl.ouvaton.org/article.php3?id_article=806)

Aucun commentaire: