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jeudi 9 décembre 2010

Peuples autochtones, les oubliés de la compensation carbone

Visant à contrer les émissions liées au déboisement et à la dégradation forestière, le mécanisme REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation) attribue aux forêts une valeur financière en fonction de leur capacité de stockage de carbone. L’objectif de ce système est de dédommager financièrement les initiatives lancées par les pays en développement dans l’intention de préserver leur patrimoine forestier. Honorable sur le papier, ce système de compensation donne pourtant lieu à certaines dérives dans sa mise en application concrète. En effet, perverti par l’insertion d’un gain financier, il porte préjudice à de nombreux peuples indigènes, qui se voient expulsés ou privés de leurs moyens de subsistance sur leurs propres terres. Selon l’organisation Survival International, ces projets de compensation-carbone ont entraîné la destruction de villages et abouti à des conflits violents, au nom d’une terre que les peuples indigènes ont toujours su préserver, à l’inverse des nouveaux investisseurs.

Or, le système REDD représente l’un des points actuellement en négociation à la conférence climat de Cancun, rassemblant plus de 190 pays du 29 novembre au 10 décembre. S’inquiétant d’un renforcement futur des mesures arbitraires dans le cadre de ce mécanisme, l’organisation ICRA International s’oppose à ce que, au nom de la protection des forêts, on impose à ceux qui en sont les gardiens depuis toujours des choix contraires à « leurs intérêts vitaux », tels que le reboisement en monoculture, l’interdiction de la chasse dans certaines zones, voire l’expulsion pure et simple. Reconnaissant qu’il s’agit là d’un dossier délicat, un négociateur européen confiait : « On a plus de risque que de bénéfice à essayer de l'améliorer ».

Rendus sur place, des représentants de peuples autochtones, principalement d'Amérique latine, mais aussi d'Asie et d'Afrique, se réunissent quotidiennement et militent auprès des délégations de leurs pays mais également de l’Union européenne. Légitimement, ils réclament l’introduction dans le système REDD d’une « clause de sauvegarde » exigeant « le consentement libre, préalable, et informé » des communautés autochtones avant la mise en œuvre de mesures pour lutter contre la déforestation. Pour l’heure, comme l’explique Onel Masardule, chef de la communauté kuna du Panama, les populations autochtones sont tenues à l’écart des négociations en cours. De son côté, Jérôme Frignet, spécialiste des questions forêts à Greenpeace France, est sceptique. Pour ce dernier, même si une telle clause venait à être adoptée, son application resterait aléatoire : « Elle n'offrira jamais de garantie dans le type de texte », relativement général, qui pourrait être adopté à Cancun. A l’heure actuelle, seulement 9 % des forêts mondiales sont la propriété légale des populations autochtones.

Cécile Cassier

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